En exposant des dormeurs à des sons complexes, des chercheurs du CNRS et de l’ENS Paris (1), en collaboration avec l’université Monash (Australie), viennent de montrer que pendant le sommeil, notre cerveau est capable de trier les sons de son environnement afin de privilégier les plus pertinents. Cette aptitude pourrait être un des mécanismes nous permettant de dormir en toute sécurité et de nous réveiller au bon moment. L’étude est publiée dans Nature Human Behaviour le 14 janvier 2019.
Il peut être tentant de piquer un somme dans un bus ou un train. Mais comment s’assurer de ne pas rater son arrêt ? Le sommeil semble en effet s’accompagner d’une perte de notre capacité à percevoir et interagir avec notre environnement. Cependant, des expériences précédentes ont montré que certains sons sont perçus pendant le sommeil. Ainsi le prénom d’une personne a tendance à réveiller plus facilement un dormeur qu’un prénom quelconque.
Jusqu’à présent, les travaux s’étaient concentrés sur la capacité du cerveau dormant à traiter des sons isolés. Ce cas de figure n’est toutefois pas représentatif de ce qui se passe au quotidien. Nous dormons fréquemment, de jour comme de nuit, dans des environnements acoustiques riches où divers sons se superposent et se mélangent. À l’éveil et de façon automatique, les individus ont tendance à se concentrer sur le flux ayant du sens.
Dans cette étude, les chercheurs ont identifié, au cours de leur sommeil, les réponses cérébrales de plusieurs participants exposés simultanément à deux voix très similaires dans leurs propriétés acoustiques mais radicalement différentes en ce qui concerne leur sens : l’une prononçait des extraits de dialogues ou d’articles tandis que l’autre prononçait un flot de mots ressemblant au français mais dépourvu de sens. Les scientifiques ont alors utilisé une technique permettant de reconstruire ce que les dormeurs entendent à partir de leur activité cérébrale. Ainsi, ils ont pu confirmer que pendant le sommeil léger, les participants privilégient le message ayant du sens pour eux. De ce fait, même plongés dans le sommeil et inconscients, le cerveau enregistre les sons environnants, sépare les différentes sources auditives et sélectionne celle qui est la plus compréhensible.
Cette faculté à se focaliser sur ce qui est pertinent est temporaire puisqu’elle ne concerne que le sommeil lent et léger. De plus, pendant cette phase de sommeil, le cerveau semble capable de traiter les informations lui parvenant du monde extérieur uniquement au cours de courtes fenêtres temporelles... Dormir dans un bus n’est donc peut-être pas si problématique mais mieux vaut n’y dormir que d’une oreille !
(1) Laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique (CNRS/ENS Paris/EHESS)
Référence :
Guillaume Legendre, Thomas Andrillon, Matthieu Koroma and Sid Kouider (2019), Sleepers track informative speech in a multitalker environment, Nature Human Behaviour, 2397-3374. https://doi.org/10.1038/s41562-018-0502-5
Contacts :
Chercheur CNRS l Sid Kouider l T +33 1 44 32 26 22 l sid.kouider@ens.fr
Chercheur Monash University l Thomas Andrillon l T +61 410 396 925 (tél. Australie) thomas.andrillon@monash.edu l Attention chercheur sur le fuseau horaire GMT+11 (Melbourne).
Presse CNRS l Julie Desriac l T +33 1 44 96 43 90 l julie.desriac@cnrs.fr